mercredi 22 mars 2017

Ma première fois

C'était en 2006. En Pologne, près de Cracovie. Une visite de la mine de sel de Wieliczka. Toute guillerette sous le soleil de juin, j'entrais dans le bâtiment principal vêtue de mon pantalon cargo beige, appareil photo au cou, sac à dos MEC bien ajusté aux épaules. Une vraie. 

Un petit groupe de touristes s'est formé autour d'un guide pour débuter la visite. Nous étions une douzaine, prêts à amorcer la descente vers ce joyaux de l'UNESCO. Au début, nous dévalions un escalier assez large pour deux personnes. J'ai conservé ma naïve gaieté sur plusieurs mètres. Jusqu'à ce que le guide commence à nous faire prendre conscience de la profondeur. 


"Nous sommes à 10 mètres sous terre". Puis 20. 30. 40... À un moment, nous nous sommes arrêtés. L'escalier devenait très étroit, ne permettant le passage que d'une seule personne à la fois. Nous étions immobiles à écouter les consignes du guide avant de poursuivre. Immobiles. Sous terre. Les murs de la cage d'escalier ont commencé à se resserrer. Je peinais à respirer. Je devais sortir de là! J'ai bousculé 2 ou 3 personnes qui se trouvaient derrière moi pour pouvoir remonter. Je n'avais plus de cerveau. Qu'un instinct de survie! Avec le recul, ça me fait comprendre comment on peut malheureusement en arriver à piétiner un être humain lors d'un mouvement de foule.

"Voyons! Qu'est-ce que tu fais???? Attention!"

Le copain de l'époque. Je l'avais poussé lui aussi.

"Je peux plus respirer! Faut que je sorte!!!"

Soudainement, ma vision s'est embrouillée. J'avais les jambes en coton. Ma gorge ne laissait passer qu'un mince filet d'air.

"Calme-toi! Tu peux pas remonter!! Pis donne-moi ton sac!"

Je tenais les ganses de mon sac à dos comme s'il eût s'agit d'un parachute nécessaire à ma survie.

"J'ai dit donne-moi ton sac!!"

Il m'a saisie par les épaules de façon brusque et m'a regardée droit dans les yeux. 

"C'est juste dans ta tête. Tu peux respirer. Tout le monde autour respire. Il y a assez d'air pour tout le monde. Calme-toi. Ça va aller."

Okay, oui, assez d'air pour tout le monde. Assez d'air pour tout le monde. Même pour moi. Une gorgée d'eau. Inspire. Expire.

J'ai poursuivi la descente en massacrant la main du chum. Et en maudissant le guide et son sourire de fierté à l'annonce de chaque profondeur. "Vous réalisez que vous êtes maintenant à 110 mètres sous terre?" J'essaie justement pas, maudit cave!!!! J'ai quand même eu 2 secondes d'extase devant la beauté de la cathédrale. Après je voulais juste en finir. Envoyez gang de gosseux!!! Assez les photos! On y va calvaire!!! Assez d'air pour tout le monde. Assez d'air pour moi aussi. Expirer par le nez. Regain de panique... Je m'accroupissais au sol aux 30 secondes. Le décor valsait. Je me sentais prise au piège.




Je suis demeurée dans cette sorte de transe, au bord des larmes, le souffle court, jusqu'au musée. À 135 mètres sous terre! La rage a alors pris toute la place. Si y'en a un tabarnak qui commence à magasiner des souvenirs... Je réponds plus de moi! Je veux décâlisser!!! Je veux remonter! Remonter... Par où on remontera? Pas l'escalier du début!!!!

"Chum, on peux-tu laisser faire les cartes postales pis le p'tit jus gratis? J'suis pu capable!!!"

La remontée se faisait dans un réel ascenseur de mine. Une cage où deux personnes de taille normale peuvent se "squeezer" en attendant que le système de poulie les remonte au niveau du sol. J'ai fermé les yeux. 

Depuis ce jour, j'ai de la difficulté à ne pas paniquer lorsque je suis dans un endroit que je ne peux quitter facilement pour retrouver l'air extérieur et la terre sous mes pieds. Ça me prend souvent par surprise. Je tente de me concentrer sur autre chose. Je me répète qu'il y a assez d'air, je regarde les autres qui sont parfaitement calmes. Parfois ça fonctionne. D'autres fois, non. Ma mère pourrait vous raconter l'Empire State Building. Arrivée sur la passerelle, je me suis mise à ramper au sol dans la foule pour atteindre l'ascenseur afin de redescendre au plus vite!! Peut-être que si je pouvais revoir le film de mes prouesses, ça m'aiderait. Du moins ça me ferait rigoler. 

Je me déçois souvent. En même temps, j'essaie d'en tirer de la fierté du fait que j'ai quand même le courage d'essayer.

1 commentaire:

  1. Très drôle Geneviève, même si ce ne l'était pas pour toi. À ta fierté d'avoir le courage d'essayer, tu peux ajouter celle de savoir en rire après coup!

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